Ces trois jeunes hirondelles juchées sur le poteau d’une renclôture* entre Saint-Valery et Le Crotoy en baie de Somme attendent le bec grand ouvert que les parents leur apportent une solide becquée d’insectes. Même si elles volent aussi bien que les adultes un peu plus de quinze jours après la sortie du nid, elles ne sont pas encore parfaitement capables de se nourrir seules.
Ces jeunes messagères du printemps, issues de la seconde couvée de l’année ont encore quelques semaines pour acquérir une totale autonomie avant la grande aventure qui les attend : celle de la migration vers l’Afrique, soit un périple de près de 10.000 km.
Les hirondelles sont capables d’effectuer des étapes journalières de 200 à 300 km à une vitesse moyenne de déplacement de 40-50 km/h avec des pointes à 80-90 km/h. Elles chassent en vol à des altitudes de moins de 100m. Le soir, des dortoirs de plusieurs milliers d’individus pouvant être d’espèces différentes se constituent dans les roselières ou des champs de céréales.
Au lever du jour c’est à nouveau le départ. La Méditerranée est franchie en une seule étape sauf pour les plus fatiguées qui peuvent parfois trouver refuge sur un bateau.
Après cinq ou six semaines d’un voyage éprouvant avec la traversée de la Méditerranée puis celle souvent meurtrière du Sahara ces oiseaux pesant moins de vingt grammes arrivent pour les plus hardis d’entre eux sur leurs sites d’hivernage. En effet de nombreuses hirondelles meurent de faim ou d'épuisement durant cette expédition. Deux cents millions d’hirondelles rustiques passent l’hiver sur ce continent au milieu des trente-sept autres espèces d’hirundinidés. L’abondance de nourriture trouvée lors de l’hivernage leur permet de reconstituer leur masse musculaire et d’effectuer leur mue. Bien nourries et remplumées, elles reviendront au printemps prochain sur leur lieu de naissance où elles élèveront deux voire trois nichées. Les mâles arrivent souvent les premiers - dans la majorité des cas mi-mars début avril - et retrouvent leur ancien nid ou en construisent un autre non loin de leur village natal.
*Renclôture (terminologie picarde) : aire conquise sur les marais des bas-Champs par appropriations successives et entourée de digues de terre; le nom s'applique aussi, par raccourci, à la digue; celle-ci comporte en principe une «porte de mer» pour l'évacuation des eaux.
Elle inspire les poètes
La messagère du printemps a toujours marqué l’imaginaire de l’homme depuis la nuit des temps surtout dans nos campagnes où elle vit en symbiose avec l'homme qui la tolère même dans les bâtiments car la considérant utile puisqu'elle se nourrit d'insectes nuisibles. D'anciennes superstitions concernant cet oiseau et son nid ont également contribué à la faire accepter. La littérature et la religion font souvent référence à cet oiseau qui vit proche de l'homme et qui le fascine et le fait rêver notamment par ses habitudes migratoires.
L’hirondelle est le sujet de nombreuses chansons, proverbes et fables, elle est aussi une source inépuisable d’inspiration pour de nombreux poètes. Voici un florilège de dictons et proverbes de chez nous … ou d’ailleurs :
Hirondelle aux champs, amène joie et printemps
Quand les hirondelles voient la Saint-Michel - 29 septembre - l’hiver ne pointera qu’à Noël
A l’annonciation – 25 mars – les hirondelles reviennent, à la Notre-Dame de septembre, elles s’en vont
Quand l'hirondelle vole en rasant, c'est pour bientôt le mauvais temps
Hirondelle volant haut, le temps sera beau, l’hirondelle volant bas, bientôt il pleuvra
Quand les hirondelles volent bas, les pavés se prennent pour des nuages
Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, ils n'empêcheront pas la venue du printemps (proverbe afghan)
L'hirondelle commence la journée, et le rossignol la finit ( proverbe russe )
… un petit clin d’oeil à Charles Trenet :
Y a d'la joie
Bonjour bonjour les hirondelles
Y a d'la joie
Dans le ciel par dessus le toit
Y a d'la joie
Et du soleil dans les ruelles
Y a d'la joie
Partout y a d'la joie.
Je publie également de cette page deux poèmes, l’un de Louise Michel et un autre de Théophile Gautier.
Ce que disent les hirondelles
Déjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis ;
Soir et matin, la brise est fraîche,
Hélas ! les beaux jours sont finis !
On voit s'ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor :
Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa toque d'or.
La pluie au bassin fait des bulles ;
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules :
Voici l'hiver, voici le froid !
Elles s'assemblent par centaines,
Se concertant pour le départ.
L'une dit : " Oh ! que dans Athènes
Il fait bon sur le vieux rempart !
" Tous les ans j'y vais et je niche
Aux métopes du Parthénon.
Mon nid bouche dans la corniche
Le trou d'un boulet de canon. "
L autre : " J'ai ma petite chambre
A Smyrne, au plafond d'un café.
Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre
Sur le seuil d'un rayon chauffé.
" J'entre et je sors, accoutumée
Aux blondes vapeurs des chibouchs,
Et parmi les flots de fumée,
Je rase turbans et tarbouchs.
" Celle-ci : " J'habite un triglyphe
Au fronton d'un temple, à Balbeck.
Je m'y suspends avec ma grille
Sur mes petits au large bec.
" Celle-là : " Voici mon adresse :
Rhodes, palais des chevaliers ;
Chaque hiver, ma tente s'y dresse
Au chapiteau des noirs piliers. "
La cinquième : " Je ferai halte,
Car l'âge m'alourdit un peu,
Aux blanches terrasses de Malte,
Entre l'eau bleue et le ciel bleu. "
La sixième : " Qu'on est à l'aise
Au Caire, en haut des minarets !
J'empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers d'hiver sont prêts. "
" A la seconde cataracte,
Fait la dernière, j'ai mon nid ;
J'en ai noté la place exacte,
Dans le pschent d'un roi de granit."
Toutes : " Demain combien de lieues
Auront filé sous notre essaim,
Plaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant d'écume leur bassin ! "
Avec cris et battements d'ailes,
Sur la moulure aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la rouille aux bois.
Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un oiseau ;
Mais, captif ses élans se brisent
Contre un invisible réseau !
Des ailes ! des ailes ! des ailes !
Comme dans le chant de Ruckert,
Pour voler, là-bas avec elles
Au soleil d'or, au printemps vert !
Théophile Gautier
Hirondelle qui vient de la nue orageuse
Hirondelle fidèle, où vas-tu ? dis-le-moi.
Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?
Écoute, je voudrais m’en aller avec toi,
Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,
Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,
Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,
Vers les astres errants qui roulent dans les airs.
Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes
Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts
Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,
Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.
Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !
Je ne sais quel écho par toi m’est apporté
Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,
Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.
Louise Michel
MACROPHOTOGRAPHIES
Le Sympétrum rouge sang ou Sympétrum sanguin
Rainette Verte ( Hyla arborea )