« Venise n’est pas en Italie, Venise n’est pas là où tu crois, c’est où tu vas, c’est où tu veux, c’est l’endroit où tu es heureux » chantait si bien le grand Serge Reggiani.
Samedi, Venise était à Bruges en Belgique, et j’étais heureux d’y être car celle que l’on surnomme à juste titre La Venise du Nord accueillait son carnaval vénitien, devenu au fil des ans un événement incontournable dans l’agenda festif de la belle médiévale.
Cette manifestation haute en couleur s’est déroulée à travers les ruelles pittoresques, le long des canaux et parcs mythiques de la ville flamande universellement connue ; pour cette raison, la Venise du Nord, qui n’a rien à envier à sa grande soeur italienne en terme de romantisme, n’aura jamais aussi bien porté son surnom que durant cette journée de mascarade !
Les promenades animées par de nombreux figurants dignement costumés et qui empruntèrent deux parcours différents durant cette journée furent appréciées par un nombreux public de connaisseurs, venus pour vivre ces moments magiques et hors du temps.
Les déambulations et présentations furent assurées par le groupe Regards Vénitiens, au sein duquel chaque membre se consacre avec passion aux personnages du carnaval de Venise, incarnés le temps d'une féérique parenthèse, en créant lui-même son extravagant vêtement dans les plus belles étoffes, aussi raffinées que somptueusement colorées, dans la plus pure tradition des costumes vénitiens. Ce groupe se produit dans de nombreuses villes d’Europe, et bien entendu, participe chaque hiver au carnaval de Venise.
Bruges, la ville-musée
Bruges est l’une des villes les plus touristiques de Belgique. Cette cité médiévale a conservé au fil du temps la splendeur de son patrimoine architectural moyenâgeux, comme son beffroi surplombant le marché de plein air. Si vous avez le courage d’escalader les 366 marches, la récompense est au bout de l’effort : la vue y est imprenable !
Le centre historique de Bruges est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2000. On y découvre de magnifiques bâtiments gothiques en briques et des chefs d’oeuvres d'art primitif flamand. Avec son centre-ville fermé aux voitures, toute la beauté et la culture de cette ville hors du temps peuvent facilement être découvertes à pied ou à vélo, même si une balade en bateau le long des canaux silencieux reste un circuit au charme irrésistible.
L’ancienne cité de la dentelle est un véritable musée à ciel ouvert : ses monuments religieux font partie des curiosités de la ville ; elle recèle également quelques musées témoins de l'art et du patrimoine artisanal brugeois. Les amateurs d’art sont à la fête, tant Bruges recèle quelques-uns des plus beaux chefs d’oeuvres de l’histoire de la peinture. Le XVe siècle, considéré comme le Siècle d’Or, fut marqué par l’empreinte indélébile des Primitifs flamands qui s’installèrent à Bruges dans la foulée de la puissante maison royale bourguignonne.
Autant de haltes qui comblent les amoureux de culture : le musée d’archéologie, le musée des arts et traditions populaires, le musée de Guido Gezelle, le musée Gruuthuse, le musée Groeninge, pour ne citer qu’eux.
Dans un autre domaine, la visite du musée de la dentelle ne manque pas non plus d’intérêt : c’est l’ancienne école de la dentellerie rénovée des soeurs Apostolines qui l’abrite depuis 2014. La ville flamande propose également un bon nombre d’édifices religieux remarquables tels l’abbaye des Cisterciens, les abbayes Sainte-Godelina et Saint-Trudon, le monastère de la Vigne et la basilique du Saint-Sang.
Écouter le silence du béguinage !
C’est une autre parenthèse hors du temps, si typiquement brugeoise, qu'il est de bon ton de découvrir. Le béguinage princier Ten Wijngaarde (Begijnhof) est un lieu particulier car le silence y est de mise et ce, même si les touristes y viennent en nombre.
Avec ses façades peintes en blanc et son immense jardin arboré, cet ensemble où vivaient jadis des béguines, des femmes généralement célibataires ou veuves ayant fait voeu de servir Dieu sans se retirer du monde, est aujourd’hui inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Comme douze autres béguinages dans la région des Flandres en Belgique. Le béguinage princier Ten Wijngaarde a été créé en 1245.
Dans ce havre de paix, aujourd'hui, le béguinage est habité par des religieuses de l'ordre de Saint-Benoît et des femmes célibataires brugeoises. Dans la maison béguinale, vous découvrirez ce qu'était la vie quotidienne au XVIIe siècle.
Le véritable masque vénitien : de l’artisanat d’art !
Certes, il est possible de se procurer des masques de carnaval de Venise fabriqués aux quatre coins du monde, notamment en Asie. Mais ils sont sans grand rapport avec la ville italienne (et sans grand intérêt !), alors qu’il est possible de dénicher des masques vraiment artisanaux fabriqués sur place. La fabrication des masques du carnaval de Venise est toujours une activité vénitienne que certaines maisons continuent à assurer artisanalement sur commande. Bien entendu, cela a un coût ! Encore de nos jours, l'ancienne technique du papier mâché est méticuleusement respectée, en n’utilisant que les mains et quelques matériaux simples, sans substances chimiques, presque sans outils et surtout sans aucune machine.
Une fois l'argile moulée, le moule négatif réalisé en plâtre est rempli de plusieurs couches de papier mince détrempé, puis séché. Un masque vénitien authentique doit répondre à des caractéristiques très spécifiques : léger et flexible, il doit épouser la forme du visage sans se rompre.
La décoration est un processus extrêmement libre, dictée par l'inspiration des créateurs : tempéra, aquarelle, feuille d’or et d'argent, laque, vernis, cire d'abeille et étoffes précieuses. Techniques typiques des artistes absolus.
À l'origine, les costumes du carnaval de Venise sont inspirés de la Commedia dell'arte, un genre de théâtre d'origine italienne où tous les personnages sont masqués. Le Capitan, Pantalon ou encore Arlequin sont des personnages récurrents de ces pièces qui font le bonheur du peuple.
Les personnages secondaires, comme les bouffons et les amoureuses, sont autant de sources d'inspiration pour les Vénitiens qui adoptent et détournent aujourd'hui les costumes et les masques du carnaval de Venise traditionnels. Les masques des personnages de la commedia dell'arte ont évolué, mais certaines de leurs caractéristiques perdurent, comme le long nez blanc pour le Capitan.
Le masque le plus ancien est l'arlequin. D'origine médiévale, ce masque noir s'accompagne d'un costume à losanges colorés. Au XIVe siècle, le port du masque était interdit la nuit et dans toutes les fêtes religieuses. Désormais, un jury international récompense le plus beau masque.
Les costumes et les masques
Le carnaval de Venise représente un microcosme inversé de la société vénitienne. Traditionnellement, les participants sont rattachés à différentes classes sociales, et les costumes et les masques ont vocation à garantir l'anonymat. L’arlequin dont il était question à l’instant propose donc un masque noir de type lombard, originaire d'Italie et appartenant à "la Commedia dell'arte".
Le déguisement, lors du carnaval de Venise, s'effectue au moyen de la Bauta, un costume comprenant trois pièces : d'une part la cape, ou tabarro ; d’autre part, le chapeau tricorne et le masque blanc rectangulaire larva. C’est le costume traditionnel et symbolique du carnaval qui permet de manger et de boire sans l’enlever, et donc de garder son identité secrète. La Bauta ne correspond à aucun personnage en particulier. Cependant, ce costume représente les audaces commises secrètement pendant le carnaval.
Un autre costume typique du carnaval de Venise est la Gnaga. Il s'agit là d'un costume comprenant des vêtements féminins et un masque de chat et un panier avec un chaton à l’intérieur.
L'anonymat des costumes permet d'intervertir les sexes, les classes sociales, les religions. Autres déguisements traditionnels : la moretta, un masque ovale de velours noir porté exclusivement par les femmes, et le domino, un très long manteau muni d’une capuche couvrant le visage.
Le costume Dottore della peste (le docteur de la peste), à l’origine, n’en était pas un puisque c’était l’habit des médecins vénitiens à l’époque de l’épidémie de peste. Son long nez pouvait contenir des herbes ou une éponge imprégnée de vinaigre pour éloigner ou tenter d’éloigner la puanteur.
Aujourd’hui, les costumes du XVIIIe siècle se mêlent aux costumes modernes les plus fantaisistes, pour le plus grand plaisir des visiteurs.