C’est bien du ciel que la baie d’Authie nous livre ses plus beaux atours, et c’est vrai qu’elle ne manque pas de charme, cette baie qui n’a rien à envier à sa grande soeur, la baie de Somme : des paysages à couper le souffle et d’une surprenante diversité sous une lumière d’une singulière qualité, surtout en tout début de matinée ou, encore mieux, tard le soir. Bien entendu, il faut la saisir à marée basse lorsque la mer s’est retirée vers l’horizon.
Balade à travers des paysages de bout du monde, de Fort-Mahon au sud aux confins de Berck-sur mer au nord.
Photos aériennes : Guy Sadet / Pilote : Philippe Pallu.
Avec une superficie d’un peu plus de 2 000 hectares, on la surnomme souvent la petite soeur de la baie de Somme
– 7 200 ha. Située à moins de vingt kilomètres au nord de cette dernière, la baie d’Authie a pris le nom éponyme du fleuve côtier qui prend sa source à Coigneux (Somme) et qui coule sur un peu plus de cent kilomètres, séparant, peu après Auxi-le-Chateau, les départements de la Somme de celui du Pas-de-Calais, avant de se jeter dans la Manche entre Berck et Fort-Mahon-Plage.
La baie d’Authie est en fait un vaste marécage marin que la mer recouvre aux grandes marées, offrant aux visiteurs une multitude de promenades dans une nature fragile mais exceptionnellement préservée : les mollières – zone de chasse à la hutte qui se pratique la nuit – vaste pré salé coupé de mares qui se couvre l’été de lilas de mer et de salicornes, où les oiseaux migrateurs s’arrêtent et se nourrissent durant leurs longs périples pré et post-nuptiaux*, mais aussi l’estran –zone découverte par la mer – qui ouvre son immensité sableuse où se pratique une pêche aux coques réglementée et surveillée, ainsi que de nombreuses promenades qui permettent d’aller jusqu’à la mer. On peut y faire de multiples balades tout au long de l'année sans jamais observer la même chose. La baie peut être furieuse, avec une mer agitée dont les vagues impétueuses martèlent le cordon dunaire les jours de grandes marées, ou paisible comme un grand lac, ou encore présenter ses immenses étendues de sable à marée basse baignées par cette lumière si singulière et toujours changeante de la Côte d'Opale qui engendre une multiplicité de paysages en perpétuelle métamorphose.
* Les mollières, nom local du schorre – prés salés – constituées d'un sol plus ferme, ne sont recouvertes que par les marées de vives eaux. De nombreux marigots ravivent le schorre, s’emplissent à marée haute et se vident dans la première heure du ressac.
Le schorre est émaillé d’un grand nombre de mares creusées pour la chasse à la hutte. Quant à la slikke - mot néerlandais signifiant boue – elle est inondée à chaque marée haute et peu de plantes supportent ces conditions extrêmes : courants et salinité. Beaucoup de vers et de mollusques vivent dans la vase salée, ce qui constitue une abondante source de nourriture pour beaucoup d'oiseaux à marée basse.
Promeneur solitaire en baie
Une baie en constante formation
Mais c’est surtout son incroyable massif dunaire qui en fait son principal attrait en dévoilant les secrets de son exceptionnel biotope à travers le chemin des pêcheurs et ses paysages de bout du monde. Les dunes de la Baie, situées sur la rive nord de l’estuaire, regroupent une mosaïque de milieux : dunes blanches, dunes boisées, prairie arrière-dunaire. La dune blanche doit son nom à la clarté du sable qui la compose. Elle est constituée de sable siliceux d’apport récent à débris coquilliers. On peut y trouver les espèces végétales dites pionnières : celles-ci sont les premières espèces à coloniser la dune. Elles ont pour rôle de fixer la dune et de préparer le terrain pour les autres espèces ; elle accueille entre autres le panicaut des dunes ou chardon bleu, protégé dans la région, ou encore l'élyme des sables. L’espèce la plus emblématique du site est sans conteste l'iris fétide, exceptionnel dans la région, dont la population s'épanouit dans les dunes boisées. La dune grise herbacée est moins exposée aux embruns marins que la dune blanche. Cependant, elle n’est pas pour autant propice à la végétation. Elle est principalement recouverte de mousse. Quant à la dune grise ligneuse, elle est elle aussi recouverte de mousse. Le sable y est néanmoins fixé ce qui permet l’implémentation d’arbustes. Son nom est dû à la teinte grisâtre du sol : mélange de sable et d’humus. Le milieu dunaire abrite des espaces humides, les pannes, mares temporaires en général à sec durant la période estivale.
La baie est en constante formation, sa structure, en perpétuel changement. Plusieurs phénomènes ont des influences sur la configuration du site. La houle, le vent et les courants marins sont les principaux responsables de ces phénomènes, ainsi que l’intervention humaine.
Menaces sur le cordon dunaire
Plusieurs éléments favorisent l'érosion et donc le rétrécissement du cordon dunaire. Principalement le vent et la houle, mais pas seulement : l'avancée du chenal de l'Authie, liée à l'engraissement de l'estuaire, intensifie le processus.
Ce phénomène d’érosion est très visible, même à l’oeil nu, au bois des sapins dans la commune de Groffliers, où la dune ne fait plus que quelques dizaines de mètres de large. La mer et l'Authie rongent sa base continuellement. Le sable s'effondre sous les coups de butoir des vagues. Dix centimètres de perdu là, cinquante un peu plus loin, et ainsi de suite. Et c'est comme ça à chaque marée... Deux fois par jour et par temps calme, la mer vient taper la dune, même avec des petits coefficients.
Cette érosion provoque la chute de dizaines de pins et de peupliers. C’est ainsi que l’hiver dernier, afin d’empêcher la chute d’arbres sur les promeneurs, la décision a été prise par la Préfecture d’en abattre entre 1 000 et 1 500 sur une bande de 10 à 15 mètres du rivage. Cela a également eu pour but d’éviter que les troncs encombrent le pied de la dune … ou tout au moins ce qu’il en reste ! Cependant, et tout le monde le sait : c'est la combinaison de plusieurs phénomènes qui provoquera le plus de dégâts. Fort vent de sud-ouest, forte houle, grande marée et dépression très creuse, cela donne Xynthia. On se souvient à Berck qu'en 1999, une tempête avait fait reculer la dune de 33 mètres ! Or en baie d'Authie, le bois de sapins n'est plus qu'un ultime et bien mince rempart face à une menace omniprésente et bien réelle. Et sans faire de catastrophisme, ce n'est pas seulement Groffliers qui sera touchée, mais aussi Waben, Verton, Conchil-le-Temple, Rang-du-Fliers, une partie de Berck, de Merlimont et peut-être même de Cucq.
Plusieurs remèdes existent pourtant. Les méthodes douces consistent à planter des oyats et à poser des ganivelles (barrières de bois) qui fixent le sable et empêchent le piétinement. En outre, un entretien régulier des ouvrages est nécessaire.
Mais bien entendu, cela ne suffira pas. Préalablement de sérieux travaux d'urgence, évalués à plus d'un million d'euros, étaient prévus et des gabions (sortes de sacs de pierres) devaient être posés sur 1,5 kilomètre pour protéger le pied de la dune et ré-ensabler la zone. Une solution que la station voisine, Quend-plage, a déjà choisie. La digue, submersible également, devant être renforcée par un enrochement de deux à trois mètres.
Cependant, l'édification de gabions n’a pu être envisagée du fait de la violence des courants érosifs. C'était une des options de l'étude SOGREAH de 2009/2011 à laquelle il a fallu renoncer. Quand trente mètres de dunes disparaissent, sans houle, en trois mois avec une sape de plus de deux mètres de profondeur, les gabions auraient été sans effet et vite emportés. Nous ne sommes pas ici dans la configuration d'une plage littorale.
Il se confirme néanmoins que les choses avancent en ce qui concerne les travaux à réaliser en urgence au niveau du bois de sapins. Le cabinet d’études IDRA Environnement a rendu ses conclusions : Le projet préconise d’opérer un déplacement de sédiments du flanc du poulier (obstacle de sable situé de l’autre côté de l’Authie face à la rive nord) et de le redéposer devant le bois de sapins en reconstituant une plage d’envol et une partie du cordon dunaire, l’opération devant permettre à la fois d’éloigner durablement le courant et de protéger la zone arrière d’une tempête non extrême (ouragan) L’emprise totale de l’opération concerne une superficie de près de 120 000 m2 et nécessitera un déplacement de sédiments sableux estimé entre 350 000 et 550 000 m3. L’opération s’effectuera par dragage.
À plus long terme, de lourds travaux de consolidation devront être planifiés. Même si la tâche, comme l'investissement, s'annoncent pharaoniques, il est grand temps d’agir.
Le bois des sapins
Dans la vallée ...
Vallée de l’Authie à l’ouest de Nampont
La station de dépollution par lagunage de Fort-Mahon
C’est le plus grand ouvrage de ce type réalisé au nord de la Loire avec ses soixante-dix hectares.
Il est constitué en réserve naturelle gérée par la fédération des chasseurs de la Somme. Outre son intérêt paysager exceptionnel, de nombreux oiseaux de toutes espèces y transitent en toutes saisons, notamment en périodes de migration.
Chenal de l'Authie
La Foraine d’Authie
Le site de la Foraine d’Authie (dans la commune de Conchil- le-temple) est formé d’une série de plans d’eau résultant de l’exploitation d’anciens cordons de galets. Cette ancienne carrière en voie de recolonisation par le milieu naturel fait l’objet depuis quelques années d’aménagements à vocation ornithologiques – îlots, vasières – associé à une mise en pâturage de l’ensemble des prairies.
Ce site, en partie reconquis par l’eau, recèle un important patrimoine ornithologique.
Le petit port de La Madelon
Situé à cheval sur les communes de Groffliers et de Waben. Ancien port de pêche très florissant au Moyen âge, le lieu s'est aujourd'hui reconverti à la plaisance. Les installations portuaires se résument à un ponton à proximité d’un parking au lieu-dit La Madelon. Son cadre, particulièrement joli, en fait un lieu de promenade apprécié. Depuis la terrasse en bois, à côté du parking, se trouve le point de départ pour le chemin de grande randonnée du littoral qui longe l'Authie et va vers l'aval de la rivière. Il présente l'avantage de rester relativement à l'abri du vent le long des bosquets. Sur le parcours, nous découvrons quelques huttes de chasse typiques, et hors période de chasse il est possible d’observer des oiseaux : aigrettes, spatules blanches ou tadornes de Belon, voire un sanglier de retour des mollières.
Blottie dans la vallée, l’abbaye de Valloires et ses jardins
Entourée de bois, de vergers et de jardins, l’abbaye de Valloires (à Argoules) est la seule abbaye cistercienne encore complète en France. D’abord construite au XIIe siècle, elle a été intégralement reconstruite au XVIIe suite à de nombreux évènements historiques qui ont achevé sa prospérité. A sa reconstruction, elle devient un joyau de l’art baroque, grâce notamment à l’intervention d’un sculpteur autrichien. Depuis la fin années 80, on ne vient plus à Valloires seulement pour y visiter l’abbaye mais également pour y découvrir sa collection botanique de toute beauté, véritable paradis terrestre pour les amateurs : cinq mille espèces et variétés de fleurs et de plantes venues de l’hémisphère Nord et d’Asie se répartissent sur les neuf hectares de l’ensemble du parc. Tout d’abord, le jardin régulier dans l’axe principal de l’abbaye. S’ensuivent le jardin des îles, celui des marais et son côté sauvage. Puis au milieu de la grande pelouse, le cloître végétal rappelant le cloître minéral de l’abbaye et qui s’ouvre sur une magnifique roseraie, implantée dans l’ancien potager de l’édifice.
La baie d’Authie, l’autre baie des phoques
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