Génial, formidable, incroyable, superbe !
Ce sont autant de superlatifs qui fusent de la foule compacte massée ce vendredi soir devant l’imposante façade de l’Hôtel de ville de Roubaix. Ce soir se déroule un spectacle sons et lumières impressionnant : un mapping (projections d'images animées sur des bâtiments historiques) qui raconte cinq siècles d’histoire de la ville aux mille cheminées.
La projection investit ici l’espace public et vient magnifier, en la détournant, une des plus belles façades de Roubaix.
Si le spectacle dure une vingtaine de minutes, il aura demandé plus de six mois de travail et 90 000 euros de budget. En cinq tableaux, il balaye donc plus de 500 ans d'histoire, de la charte des drapiers au XVe siècle, autorisant Roubaix à tisser le drap, à l’évocation des grands noms de l’industrie textile, son histoire, son héritage, sans oublier l’enthousiasme suscité par le street-art roubaisien d’aujourd'hui, ainsi que l’avenir numérique de la ville qui est ici largement suggéré.
Clin d’oeil également à la Reine des classiques, la course cycliste Paris-Roubaix, à travers l’épopée de ses coureurs légendaires. Hommage également aux sites exceptionnels qui font la fierté et la renommée de la ville ; le musée La Piscine, la Condition Publique, l’usine château fort Motte-Bossu qui abrite maintenant depuis 1993, les Archives nationales du monde du travail, le vélodrome, le parc Barbieux, le château - dit Palais Vaissier- ou encore la villa Cavrois …
Ce spectacle urbain grandiose est l’oeuvre du scénographe Xavier de Richemont, référence internationale dans le monde du mapping. Il se définit lui-même comme un peintre vidéo :
« Je suis un peintre vidéo et un peintre de bataille. C’est-à-dire que je retrace après coup les batailles, les événements marquants qui ont eu lieu à Roubaix. Je me documente, je fais des recherches – aussi sur place, je suis venu deux fois – sur l’histoire, les décors, les paysages… Je fais des repérages photographiques, je redessine des bâtiments, je vais à la rencontre des gens qui font la ville ou qui la connaissent. Je collecte, j’écris, j’en tire une narration, j’interprète. Je ne suis pas un historien, je ne fais pas de pédagogie… » expliquait-il récemment à la presse locale.
Référence en matière d’oeuvres monumentales, Xavier de Richemont réalise des vidéo mappings à travers le monde depuis plus de vingt ans. L’importance du sens contenu dans son travail est majeure.
Son style très personnel dans le traitement graphique aux traits et mouvements lyriques, jouant de la lenteur des mouvements et de la vibration des formes, des lignes et des couleurs, assemblant abstraction et figures, narration et musique, est très particulier. Ce travail est composé et projeté en vidéo.
Sa recherche d’une écriture nouvelle par ce moyen contemporain, son expérience de la scène et son tempérament de peintre en font un des artistes vidéo français les plus sollicités dans le monde.
Photos Guy Sadet
Prochaines représentations :
Urba IXO
Création : Xavier de Richemont
Vendredi 12 octobre 20.00 h puis 22.00 h
Samedi 13 octobre 20.00 h puis 22.00 h
Un peu d’architecture :
... une frise en six tableaux sur la façade
En 1905, l’Hôtel de ville, reconstruit en 1840, ne convient plus à une orgueilleuse capitale industrielle, passée de 30 000 à 100 000 habitants. Le maire de l’époque, l’industriel Eugène Motte, fait appel à l’architecte Victor Laloux, auteur de la gare d’Orsay, de l’ambassade des États-Unis à Paris ainsi que la gare de Tours.
La Ville veut une mairie imposante faisant face à l’église, sur une grande place rectangulaire, et le maire exige des sculptures.
La frise qui orne la façade comporte six éléments répartis de part et d’autre de l’entrée d’honneur. Elle est une véritable bande dessinée en six tableaux, une sorte de retable profane à la gloire de l’industrie.
Les personnages plus grands que nature, placés dans leur cadre de travail, avec leurs outils et vêtements, contrastent avec les classiques figures allégoriques du fronton.
Alphonse-Amédée Cordonnier cisela les trois premiers éléments : la récolte du coton et la tonte des moutons, le lavage et le peignage et la filature. Léon Fagel s’attaqua aux trois tableaux suivants : le tissage, la teinture et les apprêts, et la manutention finale.
Chacun des personnages (la frise en comporte une petite quarantaine au total) mesure près de 2,40 mètres de hauteur.
C’est dire l’aspect monumental de cette oeuvre destinée à immortaliser le passé laborieux de notre ville, ainsi que l’industrie qui lui procura sa richesse en dépit de tous les problèmes sociaux qui apparurent dès son apparition.
Au-dessus du porche central, un autre sculpteur participa à la décoration de l’édifice : Hippolyte Lefebvre plaça de part et d’autre des armoiries de la ville deux statues de 4,80 mètres de hauteur.
A droite, l’Abondance tient dans les plis de sa robe des fruits et des fleurs.
A gauche, la Paix tient dans sa main un rameau d’olivier.