J’ai enfin réalisé mon rêve : me rendre dans le nord de l’Angleterre afin de visiter les îles Farne (Farne Islands).
J’en reviens, après quelques jours passés sur place, la tête pleine d’images, avec l’impression d’être allé à la rencontre d’un autre monde, parfois loin de toute civilisation.
Ce macareux moine de retour de pêche, le bec rempli de lançons (anguille des sables) s’apprête à regagner son terrier afin de nourrir son poussin.
Mon ami Jean me chuchota alors à l’oreille : « On se croirait dans un documentaire animalier sur France 5 »
Oui, cet endroit est tout à fait fantastique. S’il ne fallait garder qu’une seule vision de cette incroyable escapade hors du temps, ce serait celle où notre embarcation s’est approchée de cet empilement rocheux complètement isolé en pleine mer, au large de l’île de Staple, offrant l’unique occasion de voir des oiseaux par milliers – guillemots et mouettes tridactyles – vivre dans leur habitat naturel sans présence humaine. Lorsque notre bateau s’engagea dans les anfractuosités des falaises, la proximité avec les oiseaux fut saisissante, avec des sons indescriptibles de cris mêlés… et l’odeur acre du guano qui agressait nos narines. Mon ami Jean me chuchota alors à l’oreille :
« On se croirait dans un documentaire animalier sur France 5 ». Il n’avait pas tort !
Puis vint le débarquement à Staple, où nous passâmes un peu plus de deux heures en compagnie des macareux, guillemots, cormorans, pingouins torda, avant de rejoindre l’île d’ Inner, le royaume de la sterne arctique, après un passage (sans escale) devant Longstone et son importante colonie de phoques gris. Moments magiques !
Ce trajet, nous le fîmes à plusieurs reprises à des horaires différents, afin de multiplier nos chances d’obtenir des lumières différentes.
Malheureusement, quatre heures d’éclaircies mises à part, le ciel resta désespérément gris durant toute la durée du séjour !
La veille du départ, par exemple, nous avons subi une rainstorm, comme disent les Anglais : tempête et pluies torrentielles aussi violentes qu’imprévues sous un ciel d’apocalypse. Alors que nous étions en pleine mer, prêts à accoster sur Inner, toutes les embarcations ont reçu l’ordre de rentrer immédiatement au port ! Et le jour de notre arrivée, impossible de quitter la chambre d’hôtel à cause d’une grosse tempête : rues désertes, atmosphère quasi hivernale et moral dans les chaussettes…
Les conditions météorologiques furent les seules ombres au tableau ; c’était du reste ma crainte au moment de planifier ce déplacement : j’avais lu les statistiques des services météo de la région qui donnent 7 jours secs en juin, et 8 en juillet !
Enjoy !
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Macareux moine et Guillemots de Troïl
le macareux vole assez mal – ses ailes sont trop courtes. En revanche, c’est un nageur remarquable, capable d’effectuer de très longues apnées
Situées au large du Northumberland, sur la côte est de l’Angleterre, non loin de la frontière avec l’Ecosse, les îles Farne sont un archipel de 15 à 20 îles, dont certaines sont recouvertes à marée haute. Elles ne sont pas habitées et constituent un habitat primordial pour les oiseaux marins ; elles représentent également une réserve de faune d'importance internationale.
Face à cet archipel, situé à trois miles de la côte, se situe Seahouses, charmant village portuaire qui connaît chaque année une extraordinaire affluence d’avril à juillet. C’est à cette période en effet que des milliers d’oiseaux marins se rassemblent pour couver sur les îles.
C’est de ce port que vous embarquez pour vous rendre sur les deux îles les plus importantes : Inner et surtout Staple. Enfin… lorsque la météo le permet, surtout pour Staple. L’an dernier, un ami
photographe, en huit jours de temps, n’a jamais pu débarquer sur cette île en raison de mauvaises conditions météorologiques. C’était pourtant en juillet ! L’accès aux autres îles est interdit à des fins de protection.
Dans le port, un panneau publicitaire, que personne ne peut ignorer, livre cette formule que Jacques Séguéla ne renierait pas : « Venez chez nous, 36 000 couples de macareux moines ne peuvent pas avoir tort ! ». Plus exactement : 22 500 couples de macareux, près de 25 000 couples de guillemots de Troïl, 4 500 couples de mouettes tridactyles, 1 250 couples de sternes arctiques, des centaines de pingouins torda, autant de grands cormorans, ainsi que des cormorans huppés qui ont niché sur place ont été comptabilisés la saison dernière. Bien entendu, les chiffres 2015 ne sont pas encore connus mais ils devraient s’approcher de ceux de l’an dernier, voire augmenter légèrement, surtout du côté des guillemots.
Guillemots de Troïl Au second plan, la variante bridée de l'espèce en raison du contour blanc et de la virgule en arrière de l'oeil -espèce plus rare -
Le clown des mers
De par sa beauté, son apparence exotique, souvent jugé comique à cause de sa démarche malhabile, le macareux moine est certainement l'oiseau de mer qui, de nos jours, attire le plus l’attention. La LPO (ligue pour la protection des oiseaux) n’a-t-elle pas fait du macareux son emblème ?
Il fait partie de la famille des alcidés, une famille d'oiseaux marins plongeurs regroupant les pingouins ou les guillemots. Oiseau pélagique par excellence, il passe le plus clair de son temps en haute mer, ne regagnant la terre ferme que pour se reproduire, nichant sur les pentes herbeuses et les falaises.
Il vole assez mal – ses ailes sont trop courtes. En revanche, c’est un nageur remarquable, capable d’effectuer de très longues apnées ; un excellent plongeur également, capable de descendre à une profondeur de soixante mètres et de rester sous l’eau plus d’une minute.
Habile pêcheur, il lui arrive d’attraper plus de dix poissons en une seule plongée.
Lors de la parade nuptiale, le bec du mâle s'orne de couches cornées vivement colorées de rouge, de bleu et de jaune, d’où son surnom de clown des mers.
C’est le moment où se forment les couples. Les partenaires se touchent alors le bec frontalement et le mâle, excité, pousse la femelle qui rejoint l'eau où se passe l'accouplement.
De retour sur terre, il creuse, à l'aide de son puissant bec, tout en raclant le sol avec ses griffes, de profonds terriers – de 70 cm à 1,20 m de long, quelquefois davantage – où il construit et protège son nid tapissé de plumes d’herbes ou d’algues. Il peut aussi prendre possession d'un terrier déjà construit par un autre macareux ou par un lapin. Il arrive qu’il occupe le même terrier plusieurs années de suite.
L'espérance de vie théorique d'un macareux moine est d'environ 25 ans mais, comme la plupart des espèces à longue durée de vie, il se reproduit peu : la femelle ne pond qu'un seul oeuf par an, posé à même la terre au fond du terrier, de fin avril à mai.
L'oeuf est couvé durant 40 à 43 jours. Lors du nourrissage de son poussin, le macareux conserve le produit de sa pêche dans son bec, entre la mandibule supérieure et la langue, pour le rapporter au terrier.
Le poussin mange des poissons entiers apportés par les parents qui les lui présentent pendus et alignés de chaque côté du bec, ceci durant six semaines – les parents ne s'alimentent alors plus, ou presque plus.
Le jeune oiseau doit ensuite jeûner une huitaine de jours, ses parents effectuant leur mue et ne pouvant provisoirement plus voler, ayant perdu leurs rémiges. Affamés, les petits sortent alors du nid, toujours au crépuscule et s'élancent maladroitement du haut de la falaise. C'est un moment où ils sont particulièrement vulnérables, exposés à la prédation car non protégés par les parents déjà repartis en mer.
Le macareux peut aussi prendre possession d'un terrier déjà construit par un autre macareux ou par un lapin. Il arrive qu’il occupe le même terrier plusieurs années de suite.
Les pique-assiettes
La période du nourrissage bat son plein chez les macareux moine nichant sur Inner. Les adultes ramènent au terrier de nombreux poissons – des lançons – pour leur unique poussin de l’année. Malgré leurs qualités indéniables de pêcheurs, le taux de réussite du nourrissage reste très incertain, en raison des nombreuses attaques de mouettes rieuses ou de goélands avant l’arrivée au terrier.
Sur ces documents, notre puffin n’a pas eu beaucoup de chance : il s’est littéralement fait voler la pitance ! Peu importe, il retournera ensuite en pleine mer faire sa provision, en espérant la prochaine fois arriver à bon port.
Une des plus grandes colonies de phoques gris d’Europe
Les îles abritent également une colonie d'environ 6 000 phoques gris, mettant bas plusieurs centaines de jeunes chaque année entre septembre et novembre. De fait à l’automne, les plages de l’île de Brownsman sont envahies par des bébés phoques gris.
Étendus tranquillement sur les rochers à proximité du phare de Longstone, les phoques semblent être les résidents attitrés de ce lieu : ils occupent cet endroit depuis plus de 800 ans et ont survécu aux chasseurs de fourrures et à de nombreux dangers. Ils en sont donc bien propriétaires. Plus au large, il n’est pas rare d’observer le petit rorqual, le marsouin commun, des dauphins communs, et plus rare ment, le requin pèlerin.
Rencontre imprévue
Alors que nous naviguions l’autre soir vers Inner Farne, notre embarcation fut doublée par un jeune dauphin en compagnie de sa mère.
Super bonus d’une soirée riche en émotions !
Toniques, les sternes arctiques !
Le premier contact avec les oiseaux, lorsque l’on débarque sur Inner, est saisissant. Nous sommes accueillis par d’innombrables sternes arctiques qui crient et volent dans tous les sens.
Le port d’un couvre-chef s’impose car le visiteur est littéralement harcelé, agressé par ces oiseaux qui défendent avec fougue leurs progénitures en attaquant en piqué le sommet de votre crane. Il faut aussi regarder où l’on met les pieds car les nids se trouvent parfois tout au bord du chemin.
La sterne arctique, championne de la migration
Un juvénile de sterne, bagué au Labrador en 1928, a été retrouvé quatre mois plus tard en Afrique du Sud ! Un autre, bagué dans le nord de l’Angleterre au courant de l’été 1982, à été identifié à Melbourne trois mois après : il avait parcouru 22 000 km !
Une sterne arctique parcourt environ 38 000 km par an dans ses migrations ; elle aura, à la fin de sa vie, parcouru environ 760 000 km… soit deux fois la distance Terre-lune !
Pas mal pour un oiseau pesant une centaine de grammes !
Une nursery à ciel ouvert
Chez les cormorans