Nul n’a besoin de redoubler d’efforts d’imagination pour se croire au début du siècle dernier lorsque qu’il découvre par bonheur l’esplanade de Mers-les-Bains, sur la côte picarde, tant l’architecture des villas qui la borde rappelle si bien la Belle époque. Si par chance il séjourne dans cette sympathique station balnéaire durant la fête des baigneurs – qui vient de se dérouler ce week-end – il est alors comblé !
Pour cette 12e fête des baigneurs, c’est le cinéma qui était à l’honneur. Cette thématique a peut-être inspiré aux participants de nombreuses idées de costumes grâce aux premiers films avec Charlie Chaplin, Buster Keaton, Laurel et Hardy, ainsi que ceux qu’arboraient les personnages mythiques du septième art de l’époque : Sissi, Scarlett O’hara, ou autre Arsène Lupin.
Le temps d’un week-end, le secteur sauvegardé du quartier balnéaire, petit bijou Art nouveau, seule trace du passé de Mers l'élégante, se replonge donc dans l’ambiance des années folles. Façades, balcons, vitrines et cabines de plage se parent en mode Belle époque. On y croise des baigneurs habillés de maillots de ce temps ou chapeautés de canotiers, ou encore des élégantes vêtues de jolies robes aux délicates dentelles ; de quoi séduire les nostalgiques des bains de mer tel que les ont immortalisés les peintes impressionnistes à la fin du XIXe siècle.
Tout y est : l’arrivée en gare des baigneurs en costume d’époque, accueillis, comme des personnalités, au son de la musique de l’harmonie municipale, qui accompagne le cortège à bord de deux Pauline de 1900, tractées chacune par trois chevaux jusqu’à l’esplanade. L’un des temps forts de la journée du dimanche, c’est le traditionnel bain de mer en costume, moment absolument singulier et complètement anachronique qu’il ne faut absolument pas rater, tout comme le grand défilé costumé à travers les rues bondées de spectateurs enthousiastes.
Mers l’élégante
Autrefois village de pêcheurs de quelques centaines d’âmes, Mers a connu son essor dès 1860 avec l’avènement de la vogue des bains de mer, et surtout grâce à la mise en service de la ligne de chemin de fer Paris-Le Tréport. Des familles de Parisiens aisés découvrent alors les bienfaits des bains et de l’air iodé, des privilégiés fortunés s’accordent alors des week-ends et courts séjours. Le long de l'esplanade, les élégantes se promènent nonchalamment, ombrelle à la main, tandis que les adeptes des bains s'aventurent en maillot rayé sur la magnifique plage de galets. Un établissement de bains et un casino sont rapidement sortis de terre suite à l’engouement suscité pour la plage devenue la plus huppée de la côte picarde. Séduits par ses nouveaux atouts, les riches propriétaires issus de l’aristocratie et de la bourgeoisie parisienne, mais également lilloise et rouennaise, s’y fixent en construisant les premières résidences secondaires de la côte.
La thalassothérapie vient de naître. Les villas* à l’architecture verticale sont de style anglo-normand, flamand, picard, Renaissance, Louis XIII, Napoléon III, années 30, voire mauresque.
Les balcons, bow-windows et loggia, les ferronneries, auvents, baies, frontons sont ouvragés.
On admire les briques émaillées à dominante bleu-vert, les carreaux de grès, ainsi que les étonnantes céramiques, faïences, mosaïques, frises, clous, cabochons, mascarons, rosaces, cartouches, médaillons, ainsi que leurs couleurs.
Les villas portent des noms de fleurs ou font référence à la nature, avec une préférence pour le thème se rapportant à la mer. Néanmoins, en centre-ville, c’est la maison bourgeoise avec balcons en ferronneries qui prédomine. De nombreux hôtels comme le fameux Hôtel des bains et pensions de familles voient le jour.
Le célèbre romancier et visionnaire Jules Verne vient alors à Mers se reposer en famille, amarrant son voilier au Tréport. Victor Hugo y séjourne également et Gustave Eiffel réside quelque temps dans la station en vogue. Le génial architecte en profite d’ailleurs pour signer de nombreux balcons ouvragés de villas sur l’esplanade. La commune s’adapte en permanence à l’évolution du tourisme, vantant la beauté et la qualité de son architecture balnéaire hors du commun.
A l’époque des premiers congés payés de 1936, Mers accueille sur sa plage les premières familles d’ouvriers et de vacanciers lambdas venu par le train de la gare Le Tréport-Mers.
Maintenant, touristes et vacanciers ont bien entendu délaissé les robes longues et les chapeaux haut-de-forme pour les sandales et les shorts, même si sur l'esplanade on se promène toujours comme à la belle époque dans la même atmosphère douce et paisible…
*La plupart des constructions d’habitations ont été qualifiées de villas lors de l’édification du quartier balnéaire pour les distinguer des autres constructions, telles les hôtels ou les maisons de rapport. Ces villas portent généralement un nom en façade pour les identifier et les distinguer des immeubles ; ce sont des prénoms – souvent féminins – ou des termes empruntés à la nature. Par l’arrêté du 7 août 1986, la Ville obtient la possibilité de classer cet ensemble exceptionnel en secteur sauvegardé. Depuis, ses 400 villas ont retrouvé leur éclat d'antan.
MIDI , L'HEURE DU BAIN