Je suis donc retourné cette année encore à Richmond Park* dans la banlieue sud de Londres, afin d’immortaliser le brame dans ce cadre majestueux, avec des paysages très changeants sublimés par les lumières matinales qui sont tout simplement fabuleuses, pourvu que le ciel soit dégagé- ce qui ne fut malheureusement pas le cas lors de mon court séjour la semaine dernière -
Ce parc a gardé son état sauvage. Il offre ainsi aux promeneurs d’incroyables diversités de plantes, d’arbres aux essences variées et également des fleurs sublimes. Nous traversons tantôt une forêt dense, tantôt nous avons l’impression d’être au beau milieu de la savane africaine ou de voyager au coeur des vastes plaines du nord de la Mongolie…
N’en déplaise à certains puristes ou inconditionnels du milieu sauvage qui prétendent – et ils ont sans doute raison – que les images produites à Richmond ont moins de valeur que celles réalisées chez nous – ou ailleurs – en milieu ouvert.
Pour moi, une intéressante image de brame peut être également capturée en milieu semi-ouvert, voire fermé.
Pourvu qu’elle soit bonne ! Incombe au photographe, auteur de l’image, de mentionner le lieu de la prise de vue.
Car il faut malheureusement se rendre à l’évidence : il est de moins en moins aisé ces dernières années d’observer les grands mammifères de nos belles forêts à cause d’une pression cynégétique trop forte, sans parler des observateurs peu scrupuleux, ou tout simplement inexpérimentés. Cela se ressent surtout durant la période du brame où il est de plus en plus rare de voir de grands cerfs. Et c’est bien dommage car c’est en cette période de l’année qu’opère la magie de ce moment fort de la vie du roi incontesté de la forêt.
À Richmond, les cerfs sont beaux, certes légèrement moins imposants, mais très actifs. Ils ne sont pas nourris par l’homme et même si, depuis des décennies, ils se sont habitués à la présence humaine, ils gardent leur instinct sauvage. Il faut en tenir compte en période de brame : Richmond Park n’est pas un zoo !
* Richmond Park est le plus grand parc royal de Londres, l’un des plus anciens puisqu’il a été fondé en 1627. C’est surtout le plus sauvage. Il s’étend sur près de 10 km2 – c’est trois fois la taille de Central Park à New York – dans la banlieue proche au sud-ouest de la capitale, et est entièrement clos.
Ce sont donc près de mille hectares de forêts, de prairies, de collines et de plaines qui s’offrent au visiteur, un espace naturel immense à deux pas des zones urbaines où plus de 300 cerfs vivent en liberté, ainsi que des biches et des faons.
Au total, pas moins de 600 espèces d’animaux. Outre les cervidés, vous pouvez croiser régulièrement des daims, de petits écureuils gris, plus rarement des renards, des blaireaux, et des oiseaux : des choucas des tours en grand nombre, ainsi qu’une colonie de petites perruches vertes, omniprésentes et très bavardes, mais pas seulement.
Ce parc naturel protégé n’a absolument rien à voir avec un zoo.
COMPRENDRE LE BRAME
La saison du brame débute vers la mi-septembre pour s’achever peu avant le 15 octobre. L’objectif est d’assurer la reproduction de l’espèce. C'est l'époque des saillies et pour le cerf, qui peut régner en maître absolu sur un harem de trente à quarante biches, il faut tout d’abord délimiter son territoire, montrer sa puissance aux autres mâles et constamment surveiller ses femelles. Une activité à temps plein qui lui fait perdre jusqu'à vingt kilos, car il n’a même plus le temps de se nourrir ! Pour le mâle, le but est de s’accoupler avec un maximum de femelles. Il faut savoir qu’une biche n’est en chaleur que douze à vingt-quatre heures tout au plus !
Pour la biche, le brame identifie la qualité du reproducteur et lui permet de choisir le plus beau mâle de la contrée pour s’accoupler, car c’est elle en fait qui décide de la saillie.
Le cerf dominant règne sur une prairie ou une partie de terrain appelée place de brame. Il ne cessera alors d'être en activité en se rendant d'une biche à une autre, avec le regard attentif à l'extérieur pour surveiller les lieux. Pour marquer son territoire, il se roulera dans des cuvettes boueuses – souilles –avant de se frotter aux arbres pour déposer sur les écorces les sécrétions de ses larmiers, abondantes en cette période, et qui ressemblent à une huile noirâtre, fortement odorante.
Les autres cerfs se verront alors chassés de cette zone réservée. Leur désir de conquérir néanmoins des biches les inciteront soit à affronter le cerf en place de brame, provoquant alors des combats aussi spectaculaires que majestueux, à l’issue parfois dramatique pour l’un des belligérants, voire pour les deux, soit à partir à l'assaut d'un autre harem dirigé par un congénère, espéré moins fougueux.
Eviter le combat
Cependant la puissance du brame et un coup d'oeil sur la ramure suffisent généralement au mâle à affirmer sa primauté ou constater son infériorité. C’est seulement s'ils s’estiment être de force égale, qu’ils peuvent en venir à se battre. Avant d’en arriver à cette extrémité, les vieux cerfs expérimentés utilisent l’intimidation, cris et simulacres de charge. Si l’adversaire ne cède pas, alors le combat ne peut être évité. Au cours cet affrontement physique, les bois peuvent se casser et provoquer de graves blessures. Quant aux jeunes mâles ne se sentant pas encore de taille à relever un quelconque défi, ils restent bien à l’écart de ces joutes de titans. A la fin du rut, ils ont cependant toutes leurs chances de se constituer une harde, tant les vainqueurs étant épuisés : ils sont alors dans l’impossibilité de surveiller toutes leurs biches !
Vers la fin des amours, chacun va peu à peu se séparer, et reprendre sa place jusqu'au l’automne prochain. Les biches donneront naissance à un faon huit mois plus tard – les naissances s'étalent de la fin avril à début juillet avec un pic très net entre le 15 mai et le 15 juin. Elles l’allaiteront durant sept mois. Les mises bas se font le plus discrètement possible : les biches choisissent des zones de fourrés très denses et calmes. Seulement une heure après sa naissance, le faon est capable de se déplacer, mais pendant une à deux semaines, il reste couché, réduisant au maximum les preuves de sa présence vis-à-vis de ses prédateurs. La mère veille sur lui avec beaucoup d’attention, ne s’éloignant que très peu, et si un problème survient, elle le défendra avec toute son énergie… à grands coups de sabots !
INSTANTANÉS
UN RESTAURANT AU SOMMET DES ARBRES
Le balbuzard se nourrit uniquement de poissons qu’il capture bien souvent à la surface de l'eau.
Il maitrise une technique de pêche inégalable. Il repère ses proies en les survolant d'une hauteur de dix à vingt mètres -voire plus- ou en pratiquant le vol stationnaire. Il plonge alors la tête la première, les ailes repliées et les serres en avant, en immergeant uniquement les pattes. Il emporte ensuite le poisson ainsi attrapé en positionnant une patte devant l’autre afin de placer la proie vers l’avant pour en faciliter le transport. Ses serres incurvées ainsi que des petites aspérités entre les doigts permettent au balbuzard d'agripper et de maintenir les poissons les plus visqueux.
Il emporte alors le produit de sa pêche au sommet d’un perchoir pour le dévorer, à l’image de ce jeune Balbuzard en halte migratoire en Belgique que j’ai photographié récemment. Installé bien en hauteur sur une solide branche d’un arbre, il dégustait tranquillement une magnifique carpe miroir qu’il venait de pêcher dans l’étang en contrebas.